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La maison de Millie
8 novembre 2011

L'amour des maîtres

1193860_gfMélissa Grégoire

Publié chez Leméac

2011

245 pages.

 

Quatrième de couverture: Depuis l'enfance, Agnès croit que la seule façon d'échapper à l'ennui et à la médiocrité de son milieu, c'est d'accéder au savoir que dispensent et incarnent  ses professeurs.

L'histoire, campée à une époque qu'on dit sexuellement libérée, serait banale si ele n'était racontée par une héroïne anachronique, plus proche d'Emma Bovary que du Déclin de l'empire américain, qui confond tout, la sexualité et l'amour, la littérature et la vie.  À travers le regard naïf et bientôt implacable d'Agnès, regard formé par les vieux maîtres et le travail en usine, c'est toute la culture des "professeurs de désir" qui est remise en question.

L'amour des maîtres, comme tout véritable roman, raconte le prix qu'il faut payer pour découvrir le réel au-delà de l'illusion amoureurse.

* * *

Mon Avis:  J'ai beaucoup aimé ce roman pour toutes sortes de raisons.  D'abord, Mélissa Grégoire raconte tellement bien l'ennui qui habite Agnès lorsqu'elle vit chez ses parents, à la campagne.  Je dirais même que sa quête part de là.  L'ennui qu'implique 'le quotidien', le 'gagner sa vie' les grands espaces, le vide..  Agnès regarde vivre ses parents et ne veut pas de cette vie là.  Son père travaille dans une usine de pneus et sa mère (très controlante et criarde envers sa fille) s'occupe de la maison. 

Agnès s'attachera toujours à ses maîtres (professeurs) en commançant par le curé du village qui lui donne des cours de botanique. Elle commence à s'ouvrir à la connaissance et croit ainsi trouver dans ces maîtres, la clé pour s'affranchir de son milieu rural qui l'emprisonne.  Mais elle y perdra, puiqu'elle mélange tout:  désir, besoin de reconnaissance, érudition...

L'auteure dit:  "Il arrive assez souvent qu'un étudiant confonde le savoir et le professeur qui l'incarne, par amour pour le savoir, par désir de la vérité."

Arrivée à l'Université, elle sera amoureuse de son professeur de philo.  Un narcissique, manipulateur, imbu de lui-même...  Vers la fin, il y a plusieurs scène 'de baise' car dans ce cas-ci, c'est de ça qu'on parle et non de l'amour, mais je crois que ces passages sont inévitables, pour montrer jusqu'où peut aller cette ingérance de la part d'Agnès. 

Je dit Bravo à l'auteure, car elle a su cerner vraiment avec justesse ce jeux de chat et de souris.  Et la fin nous ramène dans une sorte de boucle qu'on referme.

J'ai apprécié aussi, le fait de cotoyer les deux univers d'Agnès.  L'été lorsqu'elle revient travailler de nuit à l'usine de son père (qui l'a fait 'rentrer') et les gens qu'elle côtoie et ses années d'Université.  Un livre qui devrait être encore plus aimé par ceux et celles qui ont fréquentés ces milieux.  Je crois qu'ils se retrouveront à travers toutes sortes de petits détails.

Voici quelques extraits:

J'ai regardé avec satisfaction les deux livres que j'avais achetés, aiguisé un à un mes crayons neufs, étudié mon horaire, rempli mes cartables de feuilles vierges.  Depuis que j'étais petite, je considérais cet instant de la rentrée scolaire comme un réel plaisir.  J'étais encore toute habitée du désir de bien faire, dêtre une bonne étudiante, quitte à mettre les bouchées doubles, car, malgré les arguments de Germain Blais qui contredisaient ceux des professeurs de Beauvais, je pensais qu'être une femme, en plus de venir de la campagne, signifiait que j'étais nécessairement en retard sur mes camarades.  p. 84

...Au fur et à mesure que je je tournais les pages, je découvrais que j'aimais lire à la lumière du matin, sur une chaise droite, en buvant du thé, avec une couverture sur mes genoux et un carnet, au cas où le roman me demanderait de m'arrêter, de prendre des notes.  De temps en temps, je levais les yeux du livre et regardais par la fenêtre.  Des pigeons roucoulait dans la cour arrière, sous un petit arbre qui poussait croche dans le gravier.  p.  85

...J'avais aussi l'intuition terriblement enivrante que quelque chose d'heureux allait survenir, que j'étais au seuil d'une autre vie, d'une vie supérieure à laquelle j'allais pouvoir enfin accéder, peût-être.  Oui, l'avenir était vraiment un champ infini de possibilités.  Je lirais des livres différents, serais lue par Julien Élie, voyagerais dans les pays dont parlaient les livres.  Je deviendrais sûrement quelqu'un d'autre.  p.88

Il a enchaîné:  "Si le professeur ne peut pas donner son savoir sans demander quelque chose en retour, c'est qu'il n'aime ni son métier ni ses élèves.  S'il aime, il doit suivre sa voie et aider l'élève à trouver la sienne, sans cela il n'y a ni reconnaissance ni dialogue possibles.  Tu connais le mythe d'Écho et Narcisse?  Écho est transformée en caverne parce qu'elle n'existe pas en dehors de l'être aimé, elle ne fait que l'admirer, que vouloir être lui, et elle est condamnée à devenir une voix qui ne fait que répéter les dernières syllabes que l'autre prononce.  Narcisse, de son côté, est toujours renvoyé à ses propres mots, à sa propre image, incapable d'échapper à la fascination de son double.  Il n'y a pas d'issue dans un cas comme dans l'autre, pas la moindre possibiblité de relation."  p. 201

Tout le roman tient dans ce passage.

Un beau roman bien construit!  Je vous le recommande... Un 8/10!

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