Santha Rama Rau...Toutes la beauté du monde

     Ce matin, mon billet est née d'un billet de Niki ICI une citation de Jackson Pollock sur la peinture.

PEINDRE C'EST "ÊTRE"

PEINDRE EST LA DÉCOUVERTE DE SOI

CHAQUE ARTISTE PEINT CE QU'IL EST

Cette citation a entraîné des commentaires qui nous amènent au fait de l'importance d'apprécier l'art.  Et voici la jolie légende que j'avais lu dans ce vieux livre que je garde précieusement.

À noter que ce livre fût édité en 1966.

 Une légende sur ‘l’appréciation de l’art’  tiré d’un condensé du livre ‘Au fil de la sagesse’ publié il y a fort longtemps chez ‘Sélection Reader’s Digest.

  « Le folklore japonais compte une histoire célèbre, celle d’un homme réputé pour les splendides chrysanthèmes qu’il cultivait.  Si grande était sa renommée qu’elle parvint jusqu’au palais impérial, et l’empereur exprima le désir de voir ces fleurs étonnantes.

 Avant l’arrivée du mikado, l’homme s’en fut dans son jardin et coupa tous ses chrysanthèmes bien-aimés, sauf un, le plus magnifique, afin qu’il réjouît les yeux du souverain.

 Pour les étrangers, le sens de cette légende n’apparaît peut-être pas clairement;  pour les Japonais, rien n’est plus simple.  Apprécier la beauté est une forme d’activité si importante que la destruction de centaines de fleurs n’offrait en l’occurrence rien de surprenant, puisqu’elle devait permettre à l’empereur d’admirer le seul chrysanthème absolument parfait, sans que son attention fût distraite par la vue d’autres fleurs moins belles. 

 Un ami m’a fourni un jour l’explication suivante : 

 - Presque tout le monde est capable d’apprécier au moins certaines formes de l’art;  ce qui est spécifiquement japonais, c'est d'avoir fait de cette appréciation elle -même un art.

En occident, on a tendance à penser que nul n’est créateur s’il n’agit et ne peut ‘montrer’ les fruits de son activité.   Mais que penser des personnes qui lisent des livres, contemplent des tableaux, écoutent de la musique ou dégustent des mets savamment préparés?  La délicate faculté d’apprécier que requiert leur activité est tout aussi difficile à acquérir et constitue, aux yeux des Japonais, une offrande « créatrice » également précieuse.

A ceux qui visitent le Japon, cette particularité ouvre des perspectives surprenantes et confère à leur vie une richesse, une profondeur insoupçonnées. 

Une dame qui avait vécu à Tokyo m’a fait part d’un petit épisode paré d’un charme inattendu.  Elle fut invitée par une amie japonaise à participer aux réunions d’un de ces groupements où l’on apprend à étudier le parfum des différentes fumées odoriférantes.  Les Japonaises réunies là avaient eu recours, pour s’instruire en la matière, aux leçons d’un spécialiste, et elles s’assemblaient régulièrement pour jouir des senteurs exhalées par la combustion de bois odorants :  cèdre, tilleul, verveine, prunier et beaucoup d’autre encore;  elle s’initiaient aux caractéristiques de chacun, apprenaient à déceler les subtiles variations de qualité entre le parfum d’une bûche centenaire et celui d’un rameau coupé la veille.

Ces réunions ont amené mon amie à faire sienne une conception, tout à fait neuve pour elle, de la vie quotidienne devenue source de plaisirs multiples, puisés dans une foule d’odeurs, de sons, de perceptions tactiles et visuelles, qu’elle avait jusqu’alors tenus pour négligeables.

 

LE CHRYSANTHÈME SOLITAIRE

On raconte plus loin ceci:

"Au Japon, des poèmes et des peintures innombrables célèbrent les premières chutes de neiges, qui demeurent l'événement solennel essentiellement propice à l'éclosion de talents auxquels trop souvent, en Occident, on n'accorde pas une valeur assez positive.

Une femme de Kyoto m'a fait comprendre la place immense que cette expérience annuelle tient dans sa vie.  Au milieu de son jardin se trouve un petit pavillon, construit de telle sorte qu'elle puisse voir sous l'angle le plus favorable le paysage enneigé.  Et elle s'assied là, silencieuse, entourée d'amies qui savourant avec elle, à petites gorgées, dans des tasses minuscules, ce saké spécial que les Japonaises préparent exclusivement pour cette circonstance; on dit en effet que ce breuvage, battu avec un oeuf cru, possède la vertu de rendre quiconque l'absorbe plus apte à apprécier la féerique transformation du paysage que la neige opère.

- Après cela, me dit-t-elle, on peut en garder toute l'année le souvenir gravé dans la mémoire."

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