Astrid et Veronika
Publié chez l'Archipel
2012 pour la traduction française
255 pages
Résumé: Une romancière de trente ans, de retour dans son pays natal, et une octogénaire, vivant en quasi-ermite à l'orée d'un village suédois, se lient d'amitié.
Par petites touches, ces deux femmes meurtries, recluses dans leur solitude, racontent les drames qu'elles n'avaient jamais révélés à personne.
Au fil des saisons, elles réapprennent à se souvenir des belles choses qu'elles croyaient à jamais oubliées: un air de musique, un sourire...Et à s'ouvrir de nouveau au monde.
Les thèmes de la passion, du chagrin et de l'indicible se trouvent mêlés en ce roman où se dévoilent, peu à peu, bien des secrets.
Mon avis: Tout d'abord, une note de l'éditeur: "Le livre a été publié en 2005 en anglais. Depuis, il a été publié dans vingt-quatre pays et s'est vendu en Suède à plus de 500 000 exemplaires.
Le titre en anglais est beaucoup plus évocateur que celui en français:
Les fraises des bois sont très présentes dans le roman!
J'ai vraiment aimé ce roman. Un roman sur l'amitié, la solitude, des anecdotes entre deux scènes quotidiennes. Deux femmes avec un grand écart d'âge qui s'apprivoisent. Comme lectrice, j'ai noté à plusieurs reprises, un exemple, un modèle de la lenteur de vivre; réapprendre à sentir ce qui est si près de nous. Un roman très 'féminin'. Je vais laisser les extraits parler pour moi!
Véronika laisse une invitation dans la boîte aux lettres d'Astrid...
"Au cours des semaines passées, elle avait aperçu sa voisine dehors, le plus souvent en train de besogner sur une petite parcelle exposée au sud, défrichant et désherbant. Elle n'avait pas cherché à l'aborder. Elle avait vaqué à ses occupations, fidèles à ses promenades quotidiennes et à l'écriture, à laquelle elle consacrait la plupart de ses après-midi, jusqu'à une heure avancé des soirs clairs.
Le lendemain matin, quand elle jeta un coup d'oeil dans la boîte aux lettres de la vieille femme, le pli avait disparu. Elle ne reçut pourtant aucune nouvelle d'elle ce jour-là, pas plus qu'elle ne la vit travailler dans son jardin. Cependant, en passant, elle remarqua la fenêtre de la cuisine ouverte. Sans doute Astrid se trouvait-elle derrière, à observer. Veronika entrevit soudain la beauté d'antan de cette maison et de ce jardin. De larges bouleaux se dressaient devant, leurs bourgeons mauves tout près d'éclore, et une vaste étendue pentue dévalait vers le village à l'arrière. Du côté ouest, de grands merisiers à grappes abritaient une haie de lilas laissée à l'abandon. Veronika imaginait sans mal le merveilleux spectacle qu'ils offriraient bientôt, lorsque leurs fleurs se seraient ouvertes. Derrière la maison se trouvait un verger envahi par les herbes folles et planté de pommiers aux troncs couverts de lichen gris, dont les branches nues étaient hérissées de bourgeons épars. Des plates-bandes devaient autrefois border la clôture car quelques jonquilles pointaient tant bien que mal au milieu du chiendent. Tout à coup, elle s'aperçut que son jardin à elle aussi réclamait un peu d'entretien. Son jardin? Ce n'était ni sa maison, ni son jardin. Il lui arrivait encore de s'étonner de se trouver dans ce village, entre ces murs.
<...>
"Merci, chère Véronika. Votre enveloppe a éveillé ma curiosité. Ce n'est pas tous les jours que je trouve du courrier dans ma boîte aux lettres, je ne prends d'ailleurs pas souvent la peine de l'ouvrir. Imaginez donc ma joie de recevoir une lettre personnelle. Une invitation, de surcroît. Je l'accepte, bien entendu. De tout coeur."
Astrid venait dîner. " p.64-65
***
"Tout était prêt. Elles dîneraient dans la cuisine, près de la fenêtre ouverte au soir lumineux de l'été naissant. L'air s'insinuait dans la maison, charriant les odeurs et les notes de la nuit approchante: les fleurs qui se referment, la rosée qui se dépose sur l'herbe, les insectes diurnes qui se taisent au réveil de leurs semblables nocturnes. La chaleur de la cuisine mêlait à cette brise des parfums d'aneth mollissant sur des pommes de terre fumantes, de citron coupé, de fromage fort." p.67
***
Impossible pour moi, de ne pas vous présenter le refuge secret d'Astrid...
"Il y avait dans la forêt, perché dans les collines derrière le village, un endroit où j'avais coutume de me rendre. Il fallait le connaître pour le trouver, aucun sentier n'y conduisait. C'était une petite clairière au milieu de bois denses, avec de l'herbe douce et argentée, et des fraisiers sauvages. Je l'avais découverte par hasard en cherchant des champignons à l'automne et j'en avais fait ma chachette secrète. Les sapins sombres tout autour semblaient monter la garde, comme s'ils protégeaient ce lieu, et moi avec. J'y passais parfois la journée entière. J'y étalais ma couverture et je m'étendais. J'étais seule au monde, en sécurité. <...> Le plus souvent, je partais pour mon endroit secret tôt le matin et n'en revenais que lorsque le soleil disparaissait derrière les sapins et que l'ombre envahissait lentement l'espace. Personne ne s'inquiétait de mon absence.
Ce fut donc un véritable choc lorsque, un beau jour, je trouvai quelqu'un dans la clairière. Agenouillé par terre, il cueillait des fraises sauvages pour les enfiler un une paille de fléole des prés. Je me pétrifiai sous le couvert des arbres. Je n'avais pas fait de bruit, mais il dut sentir ma présence car il se leva en tendant dans sa main le brin de paille, semblable à un rang de perles vermillon. Avec un sourire, il ouvrit ses deux paumes comme pour s'excuser. Comme pour reconnaître sa présence importune et capituler devant le propriétaire légitime." p.76
J'ai noté d'autres beaux passages, mais je ne peux pas les copier tous. Il y a aussi, tous les petits secrets dévoilés l'une à l'autre qui parcourent le texte. Il y a des fous-rires, des larmes, des émotions... Vivement un autre roman de cette auteur et lorsqu'il sortira en livre de poche, c'est sûr que je vais me l'offrir et le relire! :)
À propos de l'auteur
Linda Olsson est né en 1948 à Stockholm, où elle a grandi. En 1990, elle s'installe en Nouvelle-Zélande. C'est là qu'elle rédige - en anglais - son premier roman.
Ces fleurs nous amènent à en savoir plus sur elle