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La maison de Millie
8 mars 2014

C'est moi qui éteins les lumières

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Éditions Zulma

Littérature iranienne

Traduit pas Christophe Balaÿ

2013

284 pages

Quatrième de couverture: 

   Clarisse est d'une simplicité de coeur qui la rend spontanément attachante.  Autour de cette héroïne malgré elle gravite tout un petit monde:  un mari ingénieur, deux adorables et malicieuses jumelles, Armen, le fils vénéré en pleine crise d'adolescence, une soeur à marier un peu revêche, et la vieille mère qui règne sur la maisonnée, dans le quartier arménien d'Abadan.

   Pourtant la très modeste Clarisse va bientôt révéler sa nature de personnage tchekhovien quand de nouveaux voisins viennent bouleverser l'équilibre affectif de notre femme invisible...

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Mon commentaire: 

   Mon livre refermé, je m'ennuie déjà de Clarisse.  Je sais que je retournerai la visiter dans sa cuisine ou dans son salon. Observer à nouveau sa vie quotidienne, ses pensées tellement près de nos propres pensées, malgré la distance entre les pays et les continents qui nous séparent.  Je vais m'ennuyer aussi des jumelles si attachantes, si spontannées. Pour moi, elles sont le centre d'équilibre de ce roman.  Parce que non carencées d'amour de la part des parents. Aussi parce qu'elles sont indisociables.  Pour elles, tout devient une fête. La vie est une suite de contentement nourris de petits riens. Armineh et Arsimeh, sont comblées.

  Par contre Clarisse qui se donne tellement à sa famille, devient souvent celle qui  malgré son importance (le coeur de la maison) est souvent mise de côté quand toute la parenté débarque.  On ne lui laisse pas beaucoup de place.  Trop souvent, elle commence une phrase et on la coupe pour lui voler carrément le sujet qu'elle amène dans la compagnie et la discussion se fait entre les invités.  Clarisse retourne à la cuisine, refoule sa colère, se sent utilisée...seule.   Sa nature est si différente de sa soeur et sa mère qui régentent et l'envahissent carrément. 

  Il y a Émile, le beau voisin, qui voit tout et qui donne toute son attention à Clarisse; attention dont elle manque de la part de son mari.  Il est un bon père de famille, mais égoïste.  En fait, Clarisse est la mère de tous ces gens.  Elle ressent un grand manque de temps pour s'occuper d'elle-même: Lire tranquille, marcher.. etc... Tout le monde fait sa vie, ses activités, mais Clarisse doit ramasser, cuisiner, recevoir, écouter, penser à tout le monde et il ne reste que quelques miettes pour elle.  De plus en plus fatiguée, elle arrive 'enfin' à sortir de ses gonds, et revendiquer.. Elle apprendra à prendre sa place tout en respectant ce qu'elle est profondément.

   Doucement les choses vont changer, mais c'est ce que j'aime de l'écriture de Zoya Parzid. Sans tambour ni trompette, un cheminement doucereux au rythme et à la nature de Clarisse.  J'ai vraiment adoré cette lecture.  Pas une seule page, je me suis ennuyée. 

   Ce que j'ai aussi apprécié beaucoup, c'est l'invitation de Zoya Parzid à nous amener dans un foyer arménien tout à fait ordinaire.  D'habitude, les romans ou documentaires qui se passent au Moyen-Orient, sont des témoignages de violences, de choses épouvantables, terrifiantes. 

   Les romans de Zoya, nous montrent un autre côté de la médaille, comme quoi, il y a aussi des vies ordinaires. 

   Un livre que je vous conseille fortement! Et je suis certaine que vous, vous attacherez aussi à Clarisse et aux jumelles; de beaux personnages.  Et surtout, laissez-vous guider comme observateur dans cette famille et vous serez bien reçus autant que Clarisse reçoit les siens! :)

   J'aime tellement son écriture différente, simple et singulière à la fois que j'ai bien l'intention de continuer avec "On s'y fera".

Extrait

«Je ne sais plus si j'avais fermé la porte derrière moi.  J'enfilai l'allée, ouvris le portillon et au lieu de traverser la rue, je longeai le caniveau jusqu'à la place du quartier. 

J'étais très énervée.  À cause de Nina qui m'avait forcé à organiser ce dîner pour, selon son expression, arranger la rencontre d'Émile et de Violette; pour Alice qui ne pensait qu'à elle; ma mère qui ne pensait qu'à Alice; les enfants qui étaient tout heureux, et Arthus (son mari) qui ne pensait qu'à son jeu d'échecs.  Pourquoi personne ne pensait à moi?  Pourquoi personne ne me demandait ce que je voulais? 

Mon côté affectueux demanda:  toi qu'est-ce que tu veux?  Je lui répondis:  je voudrais être seule quelques heures par jour.  J'aimerais parler avec quelqu'un de ce que j'aime.  Mon côté critique me prit au mot:  tu veux être seule, ou bien parler avec quelqu'un?

En passant près d'un eucalyptus, je tendis la main pour arracher une feuille.  Je la froissai pour en sentir l'odeur.  Je fis quelques pas.  Jetai la feuille dans le caniveau.  «J'aimerais savoir quelle décision le héros du roman de Sardou va finalement prendre», dis-je en faisant un bond en arrière pour éviter de justesse une grenouille morte qui gisait sur le trottoir.  Elle avait probablement été écrasée par une grosse roue.  «Maudite ville, grommelai-je, ses grenouilles, ses lézards, ses serpents d'eau, morts ou vifs.»

 

Je me souvins de notre maison de Téhéran, avec sa délicieuse petite cour; la ruelle bordée de platanes, l'odeur de terre humide quand, l'été, nous ou nos voisins les arrosions.  Les matins d'hiver, depuis mon lit, je devinais s'il avait neigé à la différence de lumière entre un jour avec ou sans neige.  Je me souvenais de ces jours d'hiver où j'allais à l'école, munie du bonnet, des gants et de l'écharpe de laine que me tricotait ma mère.  La neige crissait agréablement sous le poids des bottines.  Depuis combien d'années n'avais-je pas vu la neige? 

 

La nuit tombait.  Il n'y avait plus personne dans la rue.  À travers les haies de buis qui délimitaient les jardins, je voyais s'allumer une à une les lumières des maisons.  Je regardai l'avenue qui menait à la nôtre.  Il fallait que je rentre.  Mais j'avais le coeur serré à l'idée de toutes les tâches qui m'attendaient là-bas:  préparer le dîner, penser à la soirée de jeudi, discuter avec Armen de ce pantalon qu'il avait vu et qu'il me forcerait certainement à acheter avant jeudi; bien sûr, le plus important, inviter madame Simonian.  Cette bonne femme égoïste et exigeante qui s'imagine que tout le monde est à son service.  Au lieu de tout ce que je n'avais pas envie de faire, et que pourtant, je devais faire, j'aurais bien mieux aimé savoir quel parti le héros du roman de Sardou allait finalement prendre entre son amour et son devoir.»  Pages 177 - 178.

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Zoyâ Pirzâd est née de père Russe et de mère Arménienne. Mariée, mère de deux garçons, elle a d’abord publié trois recueils de nouvelles dont "Comme tous les après-midi", en 1991. Trois recueils repris aux éditions Markaz à Téhéran en un seul volume. En 2001, elle a publié un roman, "C’est moi qui éteins les lumières", salué par de nombreux prix, et un deuxième, "On s’y fera", en 2004.

Zoyâ Pirzâd est aussi traductrice d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carol et de poèmes japonais. Elle fait partie des auteurs iraniens qui font sortir l’écriture persane de ses frontières et l’ouvrent sur le monde. Sa langue est un persan simple et quotidien, une langue très équilibrée. La leçon ultime de Zoyâ Pirzâd est humaniste.

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Autre billet ici

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"Comme tous les après-midi"

Recueil de nouvelles

http://lamaisondemilly.canalblog.com/archives/2011/10/23/index.html

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Commentaires
M
@Folie de plume, Des deux que j'ai lu, c'est mon favori. J'espère que tu aimeras, si tu as l'occasion de le lire. :)
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F
Eh bien voilà qui me donne envie d'aller encore plus loin dans l'univers de cette auteure! Merci Milly! 😊
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M
@Theoma, Alors je note ce titre aussi! :)
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T
déjà noté, yapluka...
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M
@Opaline, On ne se connais pas encore beaucoup, je sais que tu aimes le piano! :) Mais justement les jumelles prennent des cours de piano et bientôt Armen voudra reprendre les siens pour la belle Émilie! :D Je ne sais pas toi, mais moi, j'aime beaucoup retrouver dans un roman des goûts communs.
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