Au péril de la mer
Dominique Fortier
Alto
Littérature québécoise
novembre 2016
171 pages
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Quatrième de couverture
Aux belles heures de sa bibliothèque, le Mont-Saint-Michel était connu comme la Cité des livres. C'est là, entre les murs gris de l'abbaye, que trouva refuge, au quinzième siècle, un peintre hanté par le souvenir de celle qu'il aimait. C'est là, entre ciel et mer, que le retrouvera cinq cents ans plus tard une romancière qui cherche toujours le pays des livres. Ils se rencontreront sur les pages d'un calepin oublié sous la pluie.
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Mon avis
Un génie de la langue ou une fée? Dominique Fortier m'émerveille toujours depuis le premier livre que j'ai lu d'elle: 'Du bon usage des étoiles'. Elle a cette façon bien a elle de raconter ses histoires issues du réel aux apparences d'un songe. Dans ce cas-ci, son livre renferme des secrets de l'abbaye du Mont St-Michel. Quand j'en ai terminé la lecture, j'ai eu envie d'en relire les débuts pour en faire une boucle.
Je n'ai pu m'empêcher de fredonner dans ma tête paroles de 'La langue de chez nous'. J'ai pensé que peut-être Dominique Fortier a écrit une longue réponse de 171 pages à Yves Duteuil. Sinon, ils ont en commun cet amour de la langue, et la racine des mots.
C'est à la fois une lecture à savourer et une écriture à apprécier. Dominique Fortier a su imbriquer l'histoire d'amour du peintre Éloi pour sa belle Anne. Une jeune femme dont il doit faire le portrait. Elle deviendra son amante, en venant le rejoindre sous différents prétextes au cas où son mari poserait questions. Un jour, elle meurt sans qu'Éloi en soit averti.
"Je me réveille encore à cette heure indistincte entre nuit et jour, et plus d'un an après, je cherche toujours près de moi son corps endormi. Chaque fois il me faut quelques secondes avant que je me rattrape ce simple fait: elle n'est plus. Je la perds à nouveau chaque matin, avant le lever du soleil. On pourrait croire qu'une même douleur éprouvée chaque jour va en s'atténuant, comme la lame d'un couteau finit par s'émousser à force de trancher dans les chairs, mais ce n'est pas vrai. Chaque jour, je la perds pour la première fois. Elle n'en finit pas de mourir" page 13.
Éliot ne peindra plus et ira s'enfermer dans l'abbaye du Mont St-Michel.
L'autrice nous raconte aussi à quelques chapitre ses réflexions sur son travail d'écriture en faisant des liens entre hier et aujourd'hui.
"Le plus difficile en essayant d'écrire le passé, ce n'est pas de tenter de retrouver la science, la foi ou les légendes perdues, de faire ressurgir les gargouilles et les tailleurs de pierre; c'est d'oublier le monde tel qu'on le connaît; c'est, dans ce monde d'aujourd'hui, d'effacer tout ce qui n'était pas encore, tout ce qui existait mais échappait à la vue ou à l'entendement. Comment se priver de la moitié de ce que l'on connaît sans tout à coup avoir l'impression de devenir à moitié sourd et à demi aveugle? Comment oublier l'odeur du tabac, le goût du chocolat et le rouge de la tomate, comment ne pas voir sur toutes les tables un trou en forme de pomme de terre?" page 76-77.
En terminant, je trouve que Dominique Fortier a joué avec un savant mélange d'encre, d'eau et de pierre pour donner une solide structure à son roman.
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La Langue De Chez Nous - Yves Duteil
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