La maison des orphelins

Helen Dunmore

Les Éditions Belfond 

450 Pages

Quatrième de couverture: Cette histoire se passe dans la Finlande de 1900, bruissante du vent de la révolte contre la Grande Russie, un roman poétique, délicat et fiévreux; la métamorphose amoureuse d'une adoslescente et son parcours initiatique vers l'indépendance et la liberté.

 Orpheline, la jeune Eeva est placée comme domestique chez Thomas Eklund, un médecin de campagne veuf.  D'abord apaisée par la présence rassurante de cet homme réservé et bon, Eeva se sent bientôt étouffée par le jugement et les commérages des habitants du village.  Désireuse de s'affranchir de son humiliante condition d'orpheline et de commencer enfin sa vie, elle part rejoindre Lauri, son ami d'enfance, à Helsinki.

Avec ce presque frère, elle voudrait une amitié différente.  Mais Eeva peine à se faire une place dans le coeur de Lauri, accaparé par la lutte politique et par l'amitié jalouse de Sasha, un étudiant tenté par l'action révolutionnaire. 

Les sentiments exacerbés, les rivalités et et le combat pour la liberté vont précipiter le trio dans un drame qui bouleversera irrémédiablement leur existence...

Mon avis:  Un très beau roman basé sur des faits historiques. D'ailleurs à la fin du roman, s'ajoutent quelques notes sur le contexte historique. 

J'ai aimé parce qu'Helen Dunmore a su garder mon intérêt du début à la fin.  Il n'y a pas de longeur et de temps mort.  J'ai traversé les pages comme on traverse une forêt.  Lentement, en regardant partout, en revenant sur mes pas parce qu'un passage particulièrment joli résonnait en moi.  Ça me parlait, je partageais des goûts, des idées, avec Eeva, son personnage principale.  J'apprenais des choses sur ces années de révolte.      

J'ai aimé pour l'atmosphère...Mais d'abord je vous livre un peu du contexte -  Après avoir accueilli Eeva dans sa maison, le bon docteur Thomas, veuf, et amoureux d'Elle,  la  laisse partir retrouver son ami d'enfance Lauri,  mais à la condition de l'accompagner jusqu'à son nouvel avenir.  

P. 258 - "C'est alors qu'ils découvrirent la petite cabane.  Elle semblait abandonnée avec sa porte ouverte, ses planches d'un gris métallique dont chaque noeud du bois se fendillait, et assaillie de hautes herbes:  fléole des prés, sainfoin, fétuqe, toutes précocement fleuries, cette année, en raison de la chaleur.  On n'avait pas encore fait les foins.  Il est pourtant grand temps, se dit-il.  Quant à la cabane, il était certain que personne n'y venait jamais.  Les murs de bois et le plancher étaient couverts de minuscules arraignées.

Toutefois, les lieux étaient propres et secs.  Il arracha une grosse touffe d'herbe et balaya le sol pour elle.  Une fois assis, il sortit ce qu'il restait du pain noir du fond de son sac à dos.......Bizarre pensat-il, le nombre de fois où l'on se met à table sans avoir vraiment faim.  Quand on a le ventre vide, manger devient une affaire sérieuse, quasi sacrée.  Il sentait la nourriture se répandre dans tout son corps, comme la chaleur d'un bon feu." 

j'ai aimé lire les sentiments d'Eeva:  p. 355 - "La première fois qu'Eeva était allée au concert avec Magda, elle avait ressenti une certaine nervosité, mais il n'y avait vraiment pas de quoi.  Personne ne les regardait comme des intruses.  Aucun préposé en uniforme ne s'était approché, affectant le respect pour ne déranger personne:  "Excusez-moi mademoiselle.  Voudriez-vous bien vous déplacer?  Ce fauteuil est réservé."  Eeva se tenait à côté de Magda, à l'égal de tous ces spectateurs calmes et sérieux, à l'écoute quasi professionnelle.  Telle était sa vie, désormais, la vie qu'elle avait réussi à gagner.  Ces murs, la chaleur de ce poêle, la soupe qu'elle avait préparée, les livres qu'elle manipulait toute la journée, et le concert auquel Magda s'apprêtait à se rendre;  c'était cela, la vie d'Eeva.  Parfois, elle avait encore peine à le croire.  Elle se surprenait en train de prêter l'oreille à des voix furieuses:  Eeva, où étais-tu passée?  Pourquoi ce plancher n'a-t-il pas été balayé?"

Suite à ce passage, Eeva se retrouve seule, car ce soir-là, Magda est allée au concert toute seule. 

"À peine la porte refermée, Eeva sentit la peur l'envahir.  Impossible de se remettre à repriser.  Elle fit la vaisselle, lava les assiettes soigneusement et passa un coup de balai........

Neuf heures et Lauri n'était toujours pas arrivé."

J'ai aimé entendre l'opinion de Thomas:  p. 407 - "Toutefois, à mon avis, ils ont tort.  Ils commettent une erreur terrible, criminelle, même s'ils sont animés par la meilleure volonté qui soit.  On ne peut pas mettre le monde sens dessus dessous sans déchaîner des forces incontrôlables.  Quand on est jeune, on croit qu'en changeant le monde on fera aussi changer les gens.  C'est faux.  Les gens ne changent pas comme ça.  Cela demande du temps.  C'est comme la cicatrisation d'une blessure:  impossible de l'accélérer.  Peu à peu, avec de la patience, des médicaments, des soins et de la chance, elle se consolide... Tout dépend du degré de gravité.  C'est pareil pour notre pays.  Pour la société tout entière.  Nous sommes blessés, bien sûr.  Mais on ne soigne pas une plaie en y enfonçant un couteau ou en tirant une balle dedans.  C'est impossible et inutile."

Et ainsi de suite... Un beau roman à découvrir.  Je vais sûrement ressentir le besoin de relire des passages. 

Sortie en poche chez 10-18 en 2010 je crois.