Porté par le vent

JEANNE LA ROQUE   

Publié chez Libre expression

2003

194 pages

http://www.editions-libreexpression.com/porte-par-vent/jeanne-roque/livre/9782764800713 

offert en livre numérique

Quatrième de couverture:  Des personnages extrêmement différents, qui auraient pu ne jamais se croiser, se retrouvent liés pour le meilleur à cause du pire.

Le destin mauvais prive Fabienne de son mari et la laisse complètement dévastée.  Sa rencontre avec Clémence, petite fille négligée, aux allures étranges, vient lui redonner vie.

L'enfant traîne, elle aussi, son enfer.  L'exil aux Îles-de-la-Madeleine sera la porte de sortie vers l'avenir, porté par le vent!

* * *

Mon avis:  J'ai tellement aimé l'écriture de Jeanne La Roque!  Une histoire de Vie, de tristesse, d'espoir, de nature, de vent....   Un livre touchant. 

Vous savez, le petit livre discret sur les rayons de la bibliothèque dont nous n'avons pas vraiment entendu parler et qu'on découvre en cherchant un autre titre déjà emprunté; ce sont souvent des petits trésors littéraires.  Je l'ai lu il y a environ 3 ans. Il fait partie désormais des romans québécois que j'ai le plus apprécié.

On dit à la quatrième de couverture que l'écriture sensible et imagée de Jeanne La Roque nous mène droit au coeur des personnages de ce roman émouvant.  Elle nous fait partager leurs drames et leurs passions.  Les chemins qu'ils empruntent dans leur quête d'équilibre nous entraînent des Cantons-de-l'Est aux Îles-de-la-Madeleine, dans un décor fascinant.

Un roman d'été,  qui commence lourdement, mais s'allègent à mesure qu'elles se rapprocheront du vent...

L'histoire commence ainsi:

   Il est onze heure du matin, le 8 septembre.  Il pleut des clous comme si un rideau d'acier gris tombait, annonçant la fin du monde.  (Comme je vous dis, c'est très lourd)  En haut de la grande côte du village, dans la vieille église de brique rouge, on récite aujourd'hui les funérailles d'un nouvel arrivant:  Thomas Collin.  Un homme de la ville, comme le disent les vrais villageois, avec tout ce que cela sous-entend de différences, de méfiance aussi.  Un étranger qu'on connaissait de vue jusqu'à maintenant. 

Juchée sur un tas de bois, les mains contre le vitrail, une petite fille, de douze ou treize ans environ, regarde avec beaucoup d'attention ce qui se déroule dans l'église, sans se soucier le moindrement de la pluie qui l'inonde.  Elle penche la tête de côté, fronce les sourcils et examine avec insistance une femme en larmes, au premier banc.  Depuis le terrible accident de la route qui a emporté Thomas il y a trois jours à peine, Fabienne pleure des rivières de chagrin.  Sans pouvoir s'arrêter.  En état de choc, elle fait peine à voir.  Un immense désarroi, une souffrance inconsolable transpirent de chacun de ses gestes.  La petite fille sent dans la manière dont Fabienne secoue la tête pour tâcher de se reprendre, dans les larmes qui coulent sans arrêt sur ses joues jusque dans son cou et qu'elle essuie à pleines mains pour ne pas s'y noyer, elle sent que Fabienne s'empêche de hurler à la mort.  C'est une question de temps.  Le chagrin est si fort qu'il vient se confondre avec la pluie.  La petite fille, le coeur gros et des sanglots dans la gorge, voudrait carresser doucement les mains de cette dame qu'elle ne connaît pas, mais dont elle comprend le désespoir.  Elle voudrait lui dire:  "Je suis là.   J'ai de la peine avec toi.  Je suis là".  Comme on fait avec un petit enfant ou un animal apeuré.  Comme elle le faisait avec ses poupées.

OUF!!  Voilà.  Fabienne vient de perdre Thomas, son compagnon de vie.  Ils vivaient une retraite heureuse dans les Cantons-de-l'Est.

Après, dans les jours qui suivent les funérailles, Fabienne écrira à Thomas, pour canaliser sa peine. Elle décrit ses émotions dans une sorte de journal épistolaire; elle parle à Thomas, lui raconte ce qui s'est passée dans la journée, où elle en est.  Peu à peu, la vie reprends son cour.  Plus tard les lettres se feront plus rares et on peut sentir le déclin de la souffrance.  On sent Fabienne prête pour une autre étape.  Le deuil se fait tout doucement...

Petit à petit la douleur fait place à des décisions, cette rencontre avec cette petite fille mal-aimé qui souffre et se cache d'adultes malveillants. 

Juste un petit bout d'une lettre choisie au hasard du livre: 

Oh!, mon ami, mon tendre amour, Noël passe comme une parade de bonheur obscène!  Mon pauvre coeur t'a tant appelé au secours qu'il perds la voix.  Il neige terriblement depuis une semaine, les arbres gelés craquent à fendre l'âme, mais tout cela est sans importance.  Je pars en voyage, avec toi dans mes souvenirs:  à Paris ou à Florence ou ailleurs.  Prends ma main, tiens-la bien!  Juste le temps de ranger nos papiers, arroser les plantes, recouvrir les meubles de draps blancs et ramasser un châle pour les soirées fraîches.  J'arrive!  On ira dormir tout près du quai des Augustins, tu te souviens de cet hôtel qu'on aimait bien?   Nous passerons le Nouvel An à Paris.  Tiens ma main.  Je ne peux plus rester là à vivre toute cette inexistence.   Il faut que je vive ou que je meure!  Que je perde conscience ou que je renaisse!  Je t'aime trop pour t'oublier doucement, je suis sûre que tu comprends. ....

 Peu à peu, les lettres se distencieront et la vie reprendra...porté par le vent.

 Vraiment, un petit trésor littéraire!