LES GRANDS-MÈRES MODÈLES
Photographies Claire Curt
Créations Florence Le Maux
Loisirs & créations à la manière de la Comtesse de Ségur!
Publié aux Éditions du Chêne
2002
183 pages
"On ne lit pas les classiques pour les remettre dans le présent, mais pour voir une époque de l'évolution humaine, racontée par des témoins parfaits.
Félix Leclerc
C'est dans cet esprit de cette belle pensée de Félix Leclerc que j'ai entammé ce livre...
Résumé: S'il est un auteur que ses galons de grand-mère ont révélé au grand public, c'est bien la comptesse de Ségur, qui célébra la naissance de chacun de ses petits-enfants par un roman. Nourri des illustrations qui, du XIXe siècle aux années trente, les ont accompagnés, cet ouvrage fait revivre "Grand-Mère Ségur", chaleureuse, attentionnée et inventive. Qui mieux qu'elle pouvait symboliser l'attachement que les grands-mères portent à leurs descendants?
Mon commentaire: J'ai aimé ce livre surtout pour son atmosphère plus que pour les projets présentés. Il ressort de ce bel ouvrage, écrit par Marie-José Strich - spécialiste de la Comtesse de Ségur - tout une époque, toute la magie de l'enfance... 'Le paradis perdu' comme elle en parle des jardins.
Le livre est divisé en Cinq temps ...Le temps des jardins -Le temps des animaux -Le temps des dînettes -Le temps des vacances etLe temps de l'école. J'ai choisi quelques extraits qui donnent vraiment une bonne idée de ce livre mi-biographique, mi-artisanal..
LE TEMPS DES JARDINS
JARDINS SECRETS, JARDINS D’ENFANCES - p. 36
Pays de l’enfance, paradis perdu, jardin d’Éden retrouvé, ces minuscules parcelles reproduisent la vocation du jardin des adultes : être un lieu de retraite à l’abri de l’agitation. Sur ce territoire aux frontières impitoyables car fixées par le temps de l’enfance, dans ce lieu clos s’épanouissent les joies et les drames de la vie. Les enfants bavardent, goûtent, jouent à la dînette, se disputent ou organisent des cérémonies d’enterrement, que ce soit pour Mimi le rouge-gorge de Camille, victime de ses désirs d’indépendance, ou pour la poupée de cire de Sophie :
« Après qu’ils se furent un peu poussés, disputés, on décida que Sophie et Paul, les deux plus petits, porteraient le brancard et que Camille et Madeleine marcheraient l’une derrière, l’autre devant, portant un panier de fleurs et de feuilles qu’on devait jeter sur la tombe. Quand la procession arriva au petit jardin, on posa par terre le petit brancard avec la boîte qui contenait les restes de la malheureuse poupée. Les enfants se mirent à creuser la fosse; ils y descendirent la boîte, jetèrent dessus des fleurs et des feuilles puis la terre qu’ils avaient retirée; ils ratissèrent promptement tout autour et y plantèrent deux lilas. Pour terminer la fête, ils coururent au bassin du potager et y remplirent leurs petits arrosoirs pour arroser les lilas; ce fut l’occasion de nouveaux jeux et de nouveaux rires, parce qu’on s’arrosait les jambes, qu’on se poursuivait et se sauvait en riant et en criant. » (Les malheurs de Sophie, chapitre II)
Le scénario est sensiblement le même pour le rouge-gorge, fidèle compagnon du jardinier. Pas de lilas, symbole de printemps et de piété filiale, mais les honneurs d’un petit monument portant une planche sur laquelle est écrit, en belles lettres, le récit de sa brève existence : « Ici gît Mimi, qui par sa grâce et sa gentillesse faisait le bonheur de sa maîtresse, jusqu’au jour où il périt victime d’un mouvement d’humeur. Sa fin fut cruelle : il fut dévoré par un vautour. Ses restes, retrouvés par sa maîtresse inconsolable, reposent ici. »
« La nature se doit d’être partout, à l’intérieur de la demeure comme à l’extérieur. Prolongements du jardin au sein de l’intimité des chambres, les bouquets joliment disposés dans des vases, rappellent à tous que le temps du bonheur, de la nature en fête, le temps des vacances, est là.
Lieu clos tel que les auteurs du Moyen Âge aimaient à le représenter, paradis imaginaire à l’écart de la société, « paradou » même les héros d’Émile Zola (La faute à l’abbé Mouret), ce jardin cultivé avec soin et amour abrite des fruits remarquables. Pour les adultes, le verger devient ainsi le lieu d’une petite promenade après le dîner. Les quelques voisins invités par Mme de Fleurville s’en vont admirer des poires « d’espèces nouvelles », d’une grosseur et d’une saveur remarquables » :
« Le poirier qui la produisait était tout jeune et n’en avait que quatre. Tout le monde s’extasiait sur la grosseur extraordinaire de ces poires.
-Je vous engage, mesdames, messieurs, à venir les manger dans huit jours; elles auront encore grossi et seront mûres à point, dit Mme de Fleurville. »
Douceur de la soirée, douceur de ces fruits fondants et sucrés auxquels Sophie Fichini ne pourra résister, et douceur de Mme de Rosbourg qui, depuis la serre, entend les enfants se disputer et va régler le différend avec grâce. Le jardin apparaît bien comme un lieu de délices, de tentation et de justice, un monde clos. »
Les photographies de Claire Curt sont superbes. On retrouve un peu le Style des projets de Marie-Claire Idées.
LE TEMPS DES DÎNETTES
« Sophie demanda la permission de faire
un vrai thé pour ses amies… »
« Reproduction miniature et gracieuse des repas d’adultes, le jeu de la dînette est une des grandes activités de l’enfance. Les jouets, dont l’industrie est florissante au second Empire, à cette époque qui découvre l’enfant comme individualité spécifique, font rêver les grands autant qu’ils charment les petits. Un grand soin est apporté à leur fabrication, car leur usage apprend aux enfants les règles de la vie en société. Quoi de plus charmant que ces repas, vrais ou simulés, partagés entre enfants ou avec les poupées? Quoi de plus charmant que ces goûters où la tranche de pain d’épice coupée en quatre est encore trop grande pour la minuscule assiette? Grâce à ce jeu où les enfants rappellent par leur fiévreux entrain les putti des fresques pompéiennes ou les amours de Boucher absorbés dans leurs travaux, les petites filles font l’apprentissage des fonctions d’accueil que l’âge adulte leur réserve. » p. 70
LE TEMPS DES ANIMAUX
« Madame de Réan donna un jour,
à Sophie et à Paul, un petit âne… »
« Si le règne végétal a la part belle dans la vie et l’œuvre de la comtesse de Ségur, le règne animal n’est pas oublié. Les malheurs de Sophie s’ouvrent sur les drames des petits poissons rouges coupés en morceaux…
La palme des mésaventures liées aux animaux revient sans conteste à Sophie de Réan, et un rapide inventaire des bêtes présentes dans les romans séguriens montre combien elles apportent de force dramatique aux récits.
Grâce aux animaux sauvages ou domestiques, les enfants apprennent les réalités parfois cruelles de la vie : le joli chaton recueilli par Paul et Sophie ne tarde pas à dévoiler son penchant pour les oiseaux. Madeleine apprend avec Mimi le rouge-gorge les dangers de la mauvaise humeur et Marguerite sait, pour avoir été mordue, qu’un chien peut être enragé. » p.46
LE TEMPS DES VACANCES
« Tout était en l’air au château de Fleurville… »
Indissociables de l’enfance, les douces et claires syllabes du mot vacance illuminent les souvenirs de ces années où liberté et affection président aux semaines de loisirs tant attendues. La comtesse, comme le seraient toutes les grands-mères, est enchantée de voir ses chers petits-enfants arriver au château des Nouettes en Normandie ou au château de Kermadio en Bretagne, chez sa fille Henriette Fresneau. Elle se réjouit en juillet 1870 car les vacances approchent à grands pas : « Encore onze jours, écrit-elle à Jacques, et tu es en vacances pour deux mois. » p.92
J'ai vraiment tout aimé de ce beau livre 'pour un dimanche après-midi' :)