Un passage de Anima Mundi par Susanna Tamaro
Gregory Frank Harris
"Regardez ces graines de blettes, avait-elle ajouté, regardez comme elles sont disgracieuses et même franchement laides. Si on ne savait pas ce que c'est, on pourrait même penser que ce ce sont les excréments d'un petit animal, d'une souris par exemple. Alors que dans ces quelques millimètres cubes de matière, il y a tout. Il y a de l'énergie concentrée, et le projet d'une croissance. Les grandes feuilles vertes qui, en juin, offriront de l'ombre à la terre du potager, sont déjà toutes enfermées ici. Beaucoup de gens sont émus face aux grands espaces, les montagnes ou la mer. C'est leur seule façon de communier avec le souffle de l'univers. Pour moi, ça a toujours été le contraire: ce sont les petites choses qui me donnent le vertige de l'infini.
"Une graine de courge, par exemple: on peut la manger ou la planter. Dans le premier cas il ne se passe rien, mais dans le second, au bout de quelques mois, il pousse une plante énorme, qui envahit tout le potager avec ses feuilles. On dirait presqu'une plante magique, et entre ses feuilles, les courges apparaissent. Elles sont rondes, brillantes. Si on les ouvres, leur couleur est celle du soleil couchant. Alors on s'arrête et on se demande: d'où vient tout cela? Il est très difficile de revenir en arrière, à la petitesse des graines. Mais il y avait le projet, vous comprenez? Le projet de cette petite entité justement de devenir cette lumière orange enfermée sous l'écorce.
"Nous sommes tous des graines jetées sur cette terre: c'est ce que nous oublions trop souvent."
Page 268 - Anima Mundi - Susanna Tamaro
Résumé du roman: D'après la tradition chinoise, la vie d'un être humain se divise en trois phases, un temps pour grandir, un temps pour faire l'expérience du monde et de ses séductions éphémères, un temps pour rentrer en soi-même et parvenir à l'essence profonde des choses.
Feu. Terre. Vent.
Le feu dévore les pensées du jeune Walter, qui a grandi dans le silence hostile d'une famille sans amour. Ce feu qu'attise avec violence l'amitié absolue d'un garçon de son âge, Andrea. Sorte de maître à penser à la parole vibrante, celui-ci poussera Walter à quitter sa ville natale et à chercher dans la capitale un destin plus ambitieux. Rome se présente, comme une terre pleine de promesses faciles et de reconnaissances inespérées, mais c'est dans le vent vivifiant de sa terre d'origine que Walter se redécouvre lui-même, grâce à une lettre bouleversante d'Andrea où son ancien ami lui révélera le parcours douloureux qui l'a conduit à un choix de vie extrême et sombre, aux racines mêmes du mal.
À la fin du roman, une rencontre imprévue apportera à ce héros solitaire et inquiet de notre temps la paix et la sérénité.
Un roman à relire!