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La maison de Millie
30 novembre 2012

La maison musique

corinnametamorphosesS. Corinna Bille 

La joie de lire

1999

321 pages

Tome 3

Quatrième de couverture:  S. Corrina Bille fut une grande rêveuse.  Tous les matins, elle notait ses rêves de la nuit dans ses carnets où figurent aussi des collages et des dessins, elle s'en est souvent inspirée pour composer nouvelles et petites histoires.   Un autre billet ICI de son oeuvre complète en trois tomes.

  À mes oreilles, La maison musique, résonne plutôt comme une jolie fable urbaine qu'un conte.  La voici donc, pour vous donner une bonne idée de l'écriture de Corinna Bille.

LA MAISON MUSIQUE

   Il y avait une fois une petite ville composée d'une seule rue.  De chaque côté les maisons s'alignaient, toutes peintes d'une belle couleur, toutes posées plus bas ou plus haut que sa voisine, car la rue était en pente.

   Les garçons et les filles la descendaient en bicycles et les enfants en trottinettes.  Au fond de la rue, les maisons s'arrêtaient et alors - oh! que c'était beau tout ce vert! - des prairies s'étendaient à perte de vue.

   Les habitants menaient une vie très paisible.  Chacun était assez riche pour posséder une maison.  Par esprit de propreté, ils la repeignaient chaque année d'une autre couleur et, toutes, de la même couleur.  Pour qu'il n'y ait pas de désaccord.

   Cette décision n'allait pas sans longues discussions, mais rarement s'élevait une protestation car ces gens étaient d'un naturel soumis et moutonnier.  Le président choisissaient la couleur:  rouge ou bleu, ou jaune ou rose, etc.  La droguerie de la petite ville en commandait une provision respectable et chacun y venait acheter son pot.

   Heureusement pour l'aspect de la ville, il y avait toujours un habitant qui mettait trop d'eau dans sa couleur, ou pas assez, un autre qui repeignait sa maison par couches trop nombreuses, ce qui produisait des variantes de teintes très appréciables.  C'était même particulièrement joli, ces dégradés:  un jaune foncé, un jaune ocre, un jaune citron , un jaune pâle.

   Et les maisons, revêtues de leur nouvelle robe, continuaient à se regarder de leurs petits yeux carrelés, sans étonnement et sans joie.  Chaque dimanche, la jeunesse partait en promenade sur ses bicycles et trottinettes;  les parents, eux, se contentaient de leurs jambes qu'ils lançaient en avant d'un mouvement saccadé.

   Mais j'ai oublié de dire, et pourtant cela est très important, j'ai oublié de dire qu'une des maisons situées tout en haut de la rue faisait exception à la règle.  Elle restait depuis des années inexplicablement blanche, sans souci des édits du président et des traditions.

   Pendant longtemps, elle avait été habitée par un étrange vieillard qui ne s'était jamais mêlé aux placides débats de la petite ville.  Sans pour cela, chose étrange aussi, s'attirer le courroux des gens.  Un jour il mourut et la maison fut fermée.  Jamais elle ne porta un écriteau A louer, et demeura blanche.

    Un matin de printemps, et cette année-là toute la ville était rose, un matin donc... la petite ville fut secouée par un léger tremblement de terre.

    Les habitants, surpris, n'en éprouvèrent pourtant qu'une émotion modérée.  Il n'y eut aucun dégât sérieux, à peine deux ou trois lézardes sur les façades, quatre vitres brisées, et un service à thé en porcelaine de Chine qui fut retrouvé en miettes.

45901 Mais une petite fille passa, avec sa trottinette, devant la maison blanche.  Elle entendit une drôle de musique.  Elle entra par la porte, qui s'était ouverte, et n'en ressortit plus.  Un à un les habitants, attirés eux aussi par les sons, entrèrent.  Sur leurs figures jusque-là inexpressives, une curiosité extrême, un vif plaisir commencèrent à se dessiner.

Que se passe-t-il? demandait-on.

   Elles étaient si claires, si gaies, ces notes de musique qui sautaient et gambadaient dans l'air, s'échappant de la maison par les fissures et la cheminée!  Les premiers arrivés marchèrent avec précaution et retinrent leur haleine.  Ils se trouvaient dans une chambre obscure.  Le plus hardi ouvrit une fenêtre, poussa un volet.  Alors ils virent autour d'eux un entassement d'objets:  des fleurs séchées sous des globes de verre, des livres reliés de nacre, des pendulettes, des bonbonnières. Dans un coin de la pièce, un meuble les intrigua. 

   C'était un piano mécanique.  627_1Le tremblement de terre l'avait remis en marche.

   Peu à peu, tous les habitants de la petite ville se sentirent mus par une force irrésistible.  Leurs jambes s'agitèrent, leurs torses se balancèrent, ils devinrent soudain gracieux.  Leurs pieds jusque-là si bêtes se mirent à vivre et à frapper le sol.  Leurs bras, dont ils n'avaient su que faire, se déployèrent comme des ailes.  Les hommes et les femmes se regardèrent en riant, les jeunes garçons et les jeunes filles se sourirent, les enfants se prirent par la main.  Et tous, ils se mirent à danser.

   Longtemps.

Il y eu encore quelques petites notes de musique très rapides.  Les habitants tournèrent sur eux-même en criant de joie.

   Ce fut tout.  On n'entendit plus rien.  Plus personne ne sentit le fouet magique qui le faisait si merveilleusement tourner.

   Les plus âgés soufflèrent bruyamment, les jeunes se donnèrent des baisers, les enfants commencèrent à pleurer parce que c'était fini.

   Ils attendirent encore un moment.  Mais le piano mécanique demeura silencieux et chacun rentra chez soi.  Dans les maisons, ils s'ennuyèrent.  Alors ils décidèrent d'aller faire une promenade dans les prairies qui entouraient la petite ville.  Ils enfourchèrent leurs bicycles émaillés, dont la roue avant, dix fois plus grande que celle de derrière, tournait majestueusement.  Mais elles furent entravées par les hautes herbes et ils durent ralentir.  Alors ils virent combien les arbres en fleurs brillaient.  Un merle chanta.

  C'était leur premier chant d'oiseau.  Ils trouvèrent ces notes encore plus jolies que celles du piano mécanique.  Sous l'herbe chantaient aussi les grillons.  Ils crurent que c'était la terre qui chantait. 

   Les jeunes filles, en chapeaux de paille et robes à rubans, descendirent de leurs bicycles pour ceuillir des esparcettes.

  Un des jeunes hommes se tenait à l'écart et les autres pensèrent qu'il était triste.  Ils tentèrent de le consoler.  Mais lui se mit à rire et leur dit: 

   -  Si vous saviez! Je n'ai jamais été aussi heureux, mais ce bonheur est si violent qu'il me fait mal.

   Ses yeux s'illuminaient, il avait de la peine à parler.  Ce fut le premier poète de la petite ville.

   Un garçon regardait le visage d'une fille, ombré par le chapeau de paille, et il le trouva si extraordinaire qu'il lui chuchota:

   -  Que tu es belle aujourd'hui!

   Elle lui répondit:

   -  Et toi, comme tu est beau!

   Ce furent les premiers amoureux.

   Quand le soir ils revinrent tous à la maison, les parents ne les reconnurent pas.

   -  D'où venez-vous?

   -  Des prairies.

   -  Et qu'avez-vous fait de vos bicycles?

   -  On les a oubliés dans l'herbe.

   Et les jeunes gens, de même, trouvèrent leurs parents très changés.

 

   Dès lors, ils vécurent dans la petite ville beaucoup plus heureux qu'avant, mais aussi parfois plus malheureux qu'avant.  Car le bonheur et le malheur, dans la vie, mes enfants, s'entrelacent comme branches de sureau.   

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FIN

 

Les autres histoires sont:  LE VIOLON DE VERRE, LA CHAISE À PORTEURS, LE MESSAGER, LA TOUR, LE BEAU JARDIN, LE PANTIN NOIR, JOURS DE FOEHN.

 

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Commentaires
C
Je vais noter cet auteur!
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M
@Marielle, Cette auteur est Suisse et j'apprécie cette façon différente.. un p'tit quelque chose de 'pas pareille', un je ne sais quoi.. qui rends ses textes attachants! J'espère que tu pourras trouver en bibliothèque!
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M
@Niki, Oui excuse-moi!! :) mais cette auteur me parle tellement! C'est comme faire connaissance avec une personne pleine d'affinité..
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M
Grrrr Milly tu es une tentatrice !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! <br /> <br /> Oh que ces livres m'ont l'air merveilleux j'adore !! <br /> <br /> Le résumé et les extraits de celui que tu nous présentes me tente me tente !!!!!!!
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S
encore un billet plein de tentations, milly :D
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