Lucy Maud Montgomery - Anne et la maison aux Pignons Verts...
C'est sans doute à partir de cette pièce que Lucy Maud Montgomery a écrit pour nous les plus belles histoires d'Anne et ses pignons verts...
J'ai choisi le passage où Anne vient faire la rencontre de Diana Barry, son 'âme soeur'.
"Voici Diana, ma petite fille", dit Mme Barry. "Diana, tu peux amener Anne dans le jardin et lui montrer les fleurs. <...>
"Dehors dans le jardin noyé par la lumière douce du soleil couchant qui filtrait à travers les vieux sapins noirs à l'orée ouest de la propriété, Anne et Diana s'échangeaient des regards timides au-dessus d'un massif de superbes lys tigrés.
Le jardin des Barry foisonnait de fleurs dont le charme sauvage eût certainement ravi le coeur d'Anne en tout autre temps moins alourdi par l'anxiété. Il était ceint d'énormes vieux saules et de très hauts sapins, au pied desquels croissaient des fleurs amoureuses d'ombre. De petites allées perpendiculaires, bien tracées, aux contours ornementés de coquillages, le traversaient tels d'humides rubans rouges; les plates-bandes étaient envahies d'une profusion de fleurs inusitées. Il y avaient là des coeurs-de-Marie roses, de grandes et magnifiques pivoines pourpres, des narcisses blancs odoriférants, des roses d'Écosse, délicates mais hérissées d'épines, des ancolies roses, bleues et blanches, des herbes à foulon, couleur lilas. <...> C'était un jardin où le soleil aimait à s'attarder, où les abeilles se plaisaient à bourdonner, et où les vents flânaient à leur aise, en ronronnant et en bruissant.
"Oh Diana", dit Anne au bout d'un moment, les mains crispées et la voix presque inaudible, "penses-tu... oh, crois-tu que tu pourras m'aimer un peu, assez pour devenir mon amie de coeur?"
Diana éclata de rire. Elle riait toujours avant de se mettre à parler. "Bien sûr, voyons, pourquoi pas! fit-elle, d'un ton direct. "Je suis vraiment enchantée que tu sois venue vivre à Green Gables. Ce sera très agréalble de pouvoir jouer avec quelqu'un. Il n'y a pas d'autres petites filles qui habitent suffisamment près pour que je puisse jouer avec elles, et mes soeurs ne sont pas assez grandes."
J'ai tellement aimé et aime encore cette série télé. Par contre, ce qui est bien dans les livres, c'est de reconnaître Lucy Maud Montgomery comme une 'naturaliste' dans l'âme. Toutes ces descriptions de la nature, qu'on oublie dans la série télévisée. J'ai souvent relu ses livres à cause de cette lumière qui traverse les pages. Les saisons qu'on peut sentir... Une si belle prose que la sienne.
"Le printemps, une fois de plus, était revenu à Green Gables, le beau printemps canadien, capricieux, hésitants, égrenant ses jours parfumés, purs et frisquets, et ses couchers de soleil rose tout au long d'avril et de mai, faisant surgir de la terre mille résurrections miraculeuses. .......... Et toutes ces 'nomenclatures' impulsive qu'Anne avait tant besoin: 'Les érables du Chemin des amoureux... de minuscules fougères bouclées commençaient à croître autour de la Source des Fées." Chaque endroit avait son nom propre à son lieu!
"Un soir de juin, Anne était assise près de la fenêtre de son pignon. Les vergers croulaient à nouveau sous les fleurs roses, le chant des grenouilles faisait vibrer sa douceur argentine dans les étangs au bout du Lac-aux-Miroirs; il flottait dans l'air les effluves mêlés de champs de trèfle et des bois de sapins. Anne avait appris ses leçons, mais il faisait à présent trop sombre pour qu'elle pût lire; elle s'abandonna à un rêve éveillé, les yeux grands ouverts, le regard perdu au-delà des branches de la Reine des Neiges, une fois de plus émerveillée par la splendeur poudreuse de ses fleurs.
*
Anne ne s'ennuyait jamais. Les romans de L.M.Montgomery demeurent les témoins d'une époque où le quotidien offrait ce qu'il avait à offrir. La créativité devait occuper une immense place dans la vie des gens.
Il m'arrive d'aller revisiter ces lieux imaginaires et inventés, mais tout de même inspirés de la vraie vie de l'époque, pour aller me ressourcer dans cette lumière de la nature qu'elle savait si bien décrire. Aller cueillir ce qui est encore bon pour moi.
Les extraits sont tirés de ma vieille édition 1987