Esprit d'hiver
Laura Kasischke
Christian Bourgeois Éditeur
Littérature américaine
Traduit par Aurélie Tronchet
2013
275 pages
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Quatrième de couverture: Réveillée tard le matin de Noël, Holly se voit assaillie par un sentiment d'angoisse inexplicable. Rien n'est plus comme avant. Le blizzard s'est levé, les invités se décommandent pour le déjeuner traditionnel. Holly se retrouve seule avec sa fille Tatiana, habituellement affectueuse, mais dont le comportement se révèle de plus en plus étrange et inquiétant...
Mon commentaire: Un roman "coup de poing"! Un roman OH! LA LA!!! Il n'est pas sans me rappeler 'Le cinquième enfant' de Doris Lessing. Le début est tout tranquille. C'est le réveil d'Holly..
Noël, 20..
«Ce matin-là, elle se réveilla tard et aussitôt elle sut: Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux.
C'était dans un rêve, pensa Holly, que cette bribe d'information lui avait été suggérée, tel un aperçu d'une vérité qu'elle avait portée en elle pendant - combien de temps au juste?
Treize ans?
Treize ans!»
Elle avait su cela pendant treize ans, et en même temps elle l'avait ignoré - c'est du moins ce qu'il lui semblait, dans son état de demi-veille, en ce matin de Noël. »
*
Au début, j'ai eu du mal à tenir mon attention. Je me disais: Bon.. où est-ce qu'elle m'amène cette auteure. C'est la première fois que je lis Laura Kasischke. Par deux fois, j'ai refermé le livre en me disant que je le reprendrais au temps de Noël. Mais! une petite voix me ramenait toujours vers la suite... La troisième fois où j'ai réouvert ce roman, j'y suis restée et je m'y suis accrochée! Une tension commençait à s'installer, une urgence de savoir ce qui ne va pas avec Tatiana..
Le temps utilisé dans le roman oscille entre le moment présent (la journée de Noël qui égrenne ses heures) et le passé qui remonte jusqu'à l'adoption de Tatiana en Russie.
La relation mère-fille: Au moment où on lit le déroulement de ce jour de Noël, ça ne va pas du tout. Conflits entre Holly et Tatiana qui se retrouve dans un huit-clos à cause de la tempête qui sévit à l'extérieur. D'ailleurs, le vent souffle aussi à l'intérieur entre la mère et la fille. De là la tension qui ne cesse de monter.
La famille et les amies brillent par leur absence. Éric qui est allé chercher ses parents à l'aéroport, doit se retrouver avec sa mère aux Urgences de l'hôpital à cause d'un malaise, plus la route qui est presqu'impraticalbe. Ce qui empêchera les autres invités de s'amener. Une autre frustration pour Holly.
L'écriture de Holly: Holly écrivait des poèmes avant l'adoption de Tatiana. Elle recherche sans cesse un refuge pour écrire, l'inspiration ne vient pas, trop d'interférence entre sa vie actuelle et celle d'avant...
«Bien sûr, elle n'avait pas non plus écrit de poèmes depuis qu'Annete Sanders l'avait guérie de...
De quoi?
De son chagrin? De sa peur? De la condition humaine?
Pourtant ça valait le coup, non? Rilke n'aurait peut-être pas pensé ainsi (Si mes démons devaient me quitter, je crains que mes anges ne prennent à leur tour leur envol - une citation qu'un de ses mentors de l'université avait ressortie toutes les deux semaines environ afin de mettre en garde les étudiants poètes contre les psychothérapie et les anti-dépresseurs dont certains avaient clairement besoin) mais, Holly en était certaine, la guérison n'avait de toute façon rien à voir avec son blocage en écriture. Son blocage avait à voir avec la façon dont sa vie s'était remplie et encombrée dès lors qu'elle avait inclus Tatty et Éric:
Le mariage! La vie de famille! La maternité! Le travail! Son blocage venait de toutes ces heures passées derrière le volant d'une voiture, à se rendre au bureau pour y rédiger ses dix millions de mémos de directrice commerciale par jour au lieu d'écrire des poèmes, et à aller à l'épicerie, revenir à la maison, s'occuper de Tatty et d'Éric, aller se coucher pour se réveiller le lendemain et refaire la même chose. Quand aurait-elle pu trouver le temps d'écrire, qu'elle soit bloquée ou pas? »
Orphelinat: Il y a plusieurs aller-retours à l'Orphelinat Russe. Des occasions de descriptions où on peut observer l'état des lieux, d'où vient Tatiana etc..
Un passage particulièrement joyeux chez les amies de Holly:
«Pearl et Thuy étaient le genre de mères décidées à ce que chaque heure de la vie de leur enfant soit remplie de plaisirs et d'événements mémorables, suivant les saisons. En automne, elles emmenaient Patty voir les vergers et les pressoirs à cidre, en promenade dans les charrettes de foin. Au printemps, elles se baladaient en forêt avec elle pour dessiner les fleurs sauvages qu'elles trouvaient (mais ne cueillaient pas!). Bien sûr, en été, c'était la plage, et Noël commençait fin novembre avec le Casse-Noisette (à Chicago) et les Ices Capades (à Détroit) et la confection de guirlandes d'airelles et de pop-corn. Holly les imaginait toutes les trois sur le canapé, coincées à l'intérieur par la neige, magnifiques, et elle songea combien elle aurait aimé les avoir eues comme modèles de mères quand Tatiana était encore enfant.» p. 211
Vous pourrez lire deux autres très beaux billets chez Le Cottage de Myrtille et chez She wrote Blue Velvet
Voyez la couverture de l'édition anglaise
'Mind of Winter'
Cette couverture donne tout un autre sens au roman.
Je ne l'aurais probablement jamais lu.
J'aurais passé à côté d'un thriller psychologique très captivant.
Par contre, je trouve que les deux couvertures n'expriment pas vraiment bien le contenu du roman.
La première est trop sobre, et la deuxième est trop noire.
Je pense que le thème du roman se place entre les deux.