La cueilleuse de thé
Jeanne-Marie Sauvage-Avit
Éditions Charleston
345 pages
Février 2018
Quatrième de couverture
Au Sri Lanka, Shemlaheila est cueilleuse de thé dans une plantation. Depuis dix ans déjà, elle ploie sous les lourds sacs de feuilles de thé et est soumise au pouvoir des contremaîtres.
À l'aube de ses vingt ans, la jeune femme nourrit d'autres projets: elle est bien décidée à partir, à échapper aux conditions de travail difficiles, à ne plus être au service des hommes. Elle ne veut pas être cueilleuse de thé toute sa vie, comme sa mère avant elle et comme toutes ces femmes asservies qui n'ont d'autres horizons que les interminables rangées de théiers… Elle rêve de liberté.
Mon avis
Ouf!.. C'est l'expression qui me vient en refermant le livre sur le mot 'FIN'. Un roman qui nous promène du Sri Lanka jusqu'à l'Angleterre. Un roman qui raconte l'histoire de 2 femmes et d'une fillette. Évidemment, d'autres personnages viendront se greffer à leur vie.
Voici le début du chapitre 1 ...
"Datu-Guemi (contremaître) maudit une fois de plus l'humidité de l'aube qui harcelait son dos, rallumait la douleur dans ses articulations. En grimaçant, il jeta sur son épaule la sacoche en peau de chèvre où, ce matin, Pokonaruya avait mis la bouteille d'eau, quelques beignets épicés, le curry de poulet roulé dans des feuilles de bananier. Elle avait fait en sorte que tout soit bien équilibré sans risque de se transformer en bouillie mais, méprisant ce souci, il avait rajouté pêle-mêle la lanière de cuir, deux canettes de bière, les revues salaces où des Occidentales en extase offraient leur anatonomie à des hommes surdimensionnés et d'autres bricoles qu'il jugeait indispensables pour sa journée de travail.
Le bâton à la main, il s'engagea sur le chemin de pierres qui montait à la plantation, non sans jeter à la ronde un chapelet d'injures destinées à la chaleur qui s'annonçait, au chien qui errait sur la route, à la femme qui guettait derrière la tenture de sa porte. Il la fixa de son regard noir, cracha un jus de salive dans sa direction. Le rideau retomba aussitôt.
(...)
Pokonaruya, la femme qu'on lui avait imposé dix ans plus tôt, n'avait rien pour elle, hormis le fait que son père était plus riche qu'un riziculteur de la plaine et qu'elle était de la caste des Vahumpura, comme lui. Le gouvernement avait beau leur répéter que les castes étaient abolies, les familles continuaient d'en tenir compte pour marier leurs enfants.
(...)
Maigre, noiraude, alors que lui avait la peau claire des Cinghalais du Nord, elle avait les joues creuses commes ses fesses et des seins plus plats que la mare où s'ébattaient les éléplants. Maintenant qu'il lui avait ébréché une de ses dents de devant, en la bousculant un peu trop fort, elle était encore plus laide qu'avant."
En conclusion, la pauvre femme se retrouva esclave de ce monstre imbu de lui-même et devait après sa journée de travail, faire la besogne de la maison, et être au service de sa belle-mère jamais satisfaite.
Pourtant, Pokonaruya, n'est pas le personnage principal de ce roman. Nous suivrons Shemla qui décide de quitter la plantation pour l'Angleterre, bien déterminée à ne pas finir sa vie d'esclave dans ces conditions de vie impitoyables.
Avant de partir, elle promet à Mohanty, une fillette de 10 ans, qui travaille déjà à la plantation, de revenir la chercher quand elle aura atteint son but; soit de tenir un magazin. Pour cela, il lui faut gagner l'Angleterre pour apprendre l'anglais, la comptabilité et l'administration.
C'est à travers ce long cheminement que nous suivons Shemla qui rencontre les bonnes personnes et arrivera tant bien que mal à se créer une vie d'étudiante libre, de serveuses, de femme de compagnie pour une vieille dame et beaucoup d'étude qu'elle arrivera pas à pas quelque part. Mais non sans effort.
Toutefois, l'auteure ne nous laisse pas sans nouvelle de Pokonaruya et Mohanty. De temps en temps, nous y revenons. C'est le côté sombre du roman.
Un roman révoltant sur le sort des femmes qui subissent malgré elles le comportement de certains hommes qui agissent comme des bêtes. Par contre, Jeanne-Marie Sauvage-Avit a bien dosé je trouve, cette histoire douce-amère et redonne un peu d'espoir à la fin.
Un roman bien construit sur une certaine émancipation des femmes de ces régions difficiles.
Professeur d’histoire et de géographie à la retraite, Jeanne-Marie Sauvage Avit partage ses loisirs entre l'écriture, le jardinage et les randonnées. Elle vit en France.
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