Là où je me terre
Carole Dawson
Les éditions du remue-ménage
Septembre 2021
198 pages
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Quatrième de couverture
Valparaiso, décembre 1986, tremblement de terre entre les quatre murs d'une maison. Un homme et une femme annoncent à leurs enfants qu'il faut tout laisser derrière et fuir le Chili de Pinochet.
C'est Noël, la petite Caroline a sept ans et elle aura la nausée durant le voyage. La fillette atterit à Montréal. En plus de la neige dehors, il y a le tapis rouge vin de l'hôtel Ramada qui accueille les personnes réfugiées en attente de papiers. Il y a aussi Passe-Partout qui semble s'adresser à elle à travers le téléviseur.
Après le premier appartement à Montréal-Nord, la classe d'accueil de Madame Thérèse qui lui apprend le français, les enfants qui se moquent de ses cheveux et de sa boîte à lunch, la misère des rues Hochelaga, il y aura tout ce temps passé dans les banques où ses parents font des ménages.
Entre l'exil, les fantômes du passé et le jeu des différence envie de vivre pour ne plus détonner et devenir une immigrante modèle.
Mais comment apprend-on à ne plus s'effacer? Peut-on embrasser une nouvelle culture sans renier ses origines? Lumineux et vivant, "Là où je me terre" sonde la possibilité d'aimer et de lutter sans ne plus avoir à fuir.
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Mon avis
J'ai tellement aimé ce récit authentique. Caroline Dawson est une très bonne conteuse. Elle nous amène dans une suite de 'constats quotidiens' vécus et racontés à travers les yeux et les sentiments d'une fillette de 7 ans. Il y a même des anecdotes humouristiques.
La petite Caroline était une fillette déterminée. Cela a dû être un passage obligatoire extrêmement difficiles pour ses parents qui sont restés aimants envers leurs enfants. Ce récit est une preuve tangible que certains enfants ont cette capacité d'accepter le présent, de faire avec, en étant tout naturellement résiliant et créatif.
Premier constat:... quand ses parents lui annonce que dans quelques jours ils doivent quitter le Chili vers le Canada à jamais.
"Nous quittons le pays pour ne plus y revenir."
- Plus jamais?
-Plus jamais.
- Pas même pour les anniversaires? Pas même aux vacances scolaires? Pas même à Noël?
- Non, Pas même pour les naissances. Pas même pour les enterrements.
- Et ceux que nous aimons?
- Nous continuerons à les aimer. De loin.
Les fondations de ce que je pensais être ma vie ne tenaient plus. Pouvait-on vraiment aimer de loin? ...
J'ai fait le décompte de tout ce que je délaisserais en ayant l'impression que c'est moi qu'on dépossédait. Mes crayons, mes dessins. Mes cahiers, mes camarades. Mon livre de collants, mon école. Ma corde à danser, mes amies. Mon arbre, mon cousin. Ma collection de garnottes, mi abuelita (Sa grand-mère). Ma marelle, ma langue maternelle. Mes cerceaux, mes certitudes. Mon grand-père et mon chien qui mourraient avant que je le revois. Des adieux extirpés, obligés, arrachés au fond de ma gorge. A Dios. page 13
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L'arrivée à Montréal, la neige, le grand tapis rouge vin de l'hôtel où ils logeront en attendant la suite des choses... Une tonne de circonstances se présentaient à Caroline et sa famille lors du débarquement de l'avion.
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Son premier contact arrivée dans la chambre d'hôtel.
"À Radio-Québec, c'était l'heure de Passe-Partout. Trois jeunes adultes habillés comme de sympathiques saltimbanques discutaient. Je ne comprenais rien et n'aimais pas ça. Des marionnettes aux voix aiguës sont apparus comme pour me confirmer que cette émission n'était pas pour moi mais pour les plus jeunes. J'ai attendu, observant encore quelques minutes. Je m'apprêtais à changer de poste lorsque la plus petite des trois (celle en haut à gauche: Marie Eykel) du début est revenue à l'écran. Elle s'est soudainement tournée vers moi.
Même si je ne savais pas ce que ses mots voulaient dire, ses yeux expressifs ont plongé dans les miens. ... Je n'ai pas réussi à comprendre le sens de ses paroles, mais je partageais son mal-être. Elle était inquiète, tourmentée. Elle me regardait bien en face et c'était mes propres tracas que je voyais. Ses vertiges étaient les miens. Je me suis imaginé qu'elle me disait son chagrin, sa peur et je la comprenais. Douce et bienveillante, elle me parlait directement et c'est la clé qui a fait que mes appréhensions devant cette nouvelle vie se sont clamées."
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Caroline Dawson nous emmènent avec elle jusqu'à l'âge adulte. Ce récit est vraiment intéressant.
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Caroline Dawson est sociologue et professeure. Elle est arrivée au Canada comme réfugiée politique en 1986, à l'âge de 7 ans, et enseigne la sociologie au Cégep Édouard-Montpetit à Montréal. Blogueuse engagée, elle est coorganisatrice du Festival de littérature jeunesse de Montréal.